Mathilde Touvier, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm, joue un rôle majeur dans la diffusion d’informations scientifiques fiables en matière de nutrition et de santé publique. À travers ses travaux et ses engagements, elle œuvre pour permettre à chacun et chacune de faire des choix alimentaires éclairés et milite en faveur de politiques publiques visant à rendre les options alimentaires saines plus accessibles.
Elle rappelle que nos choix alimentaires quotidiens ont un impact considérable sur notre santé : au cours d’une vie, nous consommons environ 30 tonnes de nourriture et 50 000 litres de boissons, nous exposant à des dizaines d’additifs alimentaires chaque jour. Avec une mortalité mondiale dont un cinquième est directement ou indirectement lié à la nutrition, et plus de 40 % des cancers évitables par une meilleure hygiène de vie, la nécessité d’une information scientifique rigoureuse est plus urgente que jamais.
Touvier dirige l’étude de cohorte NutriNet-Santé, regroupant plus de 100 000 participants. Cette recherche a mis en évidence des liens entre la consommation d’aliments ultra-transformés — contenant des additifs tels que nitrites, émulsifiants et édulcorants — et un risque accru de maladies chroniques comme le cancer, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l’hypertension et l’obésité. Elle souligne que les recommandations nutritionnelles classiques (réduction des graisses saturées, du sucre, du sel, et augmentation des fibres) restent fondamentales, mais que les effets des aliments ultra-transformés doivent également être pris en compte.
Face à la prolifération de fausses informations nutritionnelles sur les réseaux sociaux, souvent véhiculées par des « charlatans » ou par le marketing agressif de l’industrie agroalimentaire, Touvier insiste sur l’importance d’une communication claire et scientifique. Elle défend une approche pédagogique, sans messages culpabilisants : « Aucun aliment n’est interdit », dit-elle, l’important étant la fréquence et la quantité.
Pour renforcer le lien entre la science et la société, son équipe développe aussi des actions de sensibilisation innovantes. Elle cite par exemple une activité ludique menée avec des enfants à la Cité des Sciences et de l’Industrie, où ils ont reproduit les résultats de recherches en Lego, favorisant des discussions créatives sur la nutrition. Elle collabore également avec l’association Open Food Facts, qui propose une application mobile permettant de scanner les produits alimentaires et d’accéder à des informations détaillées, y compris sur les additifs.
Un des résultats les plus visibles de ses recherches est le Nutri-Score : un logo coloré à 5 niveaux, visible sur les emballages alimentaires dans plusieurs pays européens. Ce score informe rapidement les consommateurs sur la qualité nutritionnelle d’un produit. Grâce aux résultats de son projet financé par le Conseil européen de la recherche (ERC), l’algorithme du Nutri-Score a été mis à jour en 2024 pour pénaliser, par exemple, les boissons contenant des édulcorants artificiels. L’adoption du Nutri-Score comme étiquetage obligatoire en Europe est actuellement débattue, l’OCDE estimant qu’il pourrait prévenir 2 millions de cas de maladies chroniques d’ici 2050.
Touvier est régulièrement sollicitée pour partager ses recherches auprès des décideurs politiques, que ce soit à l’Assemblée nationale, à la Chambre des Lords au Royaume-Uni ou à l’OMS. Elle travaille également avec le ministère français de la Santé pour orienter les politiques nutritionnelles.
Souvent accusée de vouloir restreindre la liberté individuelle, elle rétorque que son objectif est au contraire d’autonomiser les citoyens : les véritables atteintes à la liberté sont les stratégies marketing qui poussent, souvent inconsciemment, à consommer des produits peu favorables à la santé.
Pour elle, la vulgarisation scientifique est une mission essentielle et gratifiante. Elle permet de rester en lien avec le terrain, d’écouter les préoccupations des citoyens, et d’orienter les futurs axes de recherche. « Si les chercheurs ne prennent pas la parole, d’autres le feront à leur place, parfois avec des intentions douteuses. »
En somme, Mathilde Touvier incarne une science rigoureuse, humaine et engagée, tournée vers le bien commun et la construction d’une société mieux informée et en meilleure santé.
Crédit Photo : European Research Council