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Association entre anémie du postpartum et symptômes dépressifs à 2 mois d’un accouchement par voie basse

La dépression du post-partum touche environ 10 à 25 % des femmes. Elle peut avoir des conséquences majeures tant pour la mère (altération du lien mère-enfant, idées suicidaires) que pour l’enfant (retards du développement, troubles du comportement). Mieux comprendre les facteurs de risque de la PPD est un enjeu majeur de santé publique, notamment les facteurs de risque modifiables.

Si de nombreux travaux ont identifié des facteurs psychosociaux de risque (précarité, isolement, antécédents psychiatriques), peu d’études ont exploré le rôle du contexte obstétrical. L’anémie maternelle, fréquente en post-partum (jusqu’à 50 % des femmes dans les pays à haut revenu), et essentiellement due à une carence en fer, pourrait contribuer à la survenue de symptômes dépressifs, via des mécanismes biologiques (hypoxie cérébrale, carence en fer affectant les neurotransmetteurs) ou fonctionnels (fatigue, réduction de l’activité sociale). Cependant, les études publiées sur ce sujet sont souvent limitées par des biais méthodologiques et les résultats sont hétérogènes.

La base de données de l’essai TRAAP (TRAnexamic Acid for Preventing postpartum haemorrhage), un essai randomisé multicentrique conduit dans 15 maternités françaises entre 2015 et 2016, permet d’explorer cette question, grâce à un recueil systématique après l’accouchement pour toutes les femmes incluses, de l’hémoglobine et une évaluation psychologique. L’objectif de cette analyse secondaire était d’évaluer si le taux d’hémoglobine maternelle mesuré dans les 5 jours suivant un accouchement par voie basse était associé à un risque accru de symptômes dépressifs deux mois plus tard.

Principaux résultats

– Parmi les 2 672 femmes incluses, 43,6 % présentaient une anémie dans le post-partum immédiat (Hb < 11 g/dL). Au total, 13,8 % d’entre elles présentaient des symptômes de dépression du postpartum, définis comme un score EPDS ≥ 11 à deux mois. Une association linéaire entre hémoglobinémie en postpartum immédiat et risque de symptôme dépressif à 2 mois a été retrouvée : chaque augmentation de 1 g/dL du taux d’hémoglobine était associée à une réduction de 9 % du risque de PPD (RR ajusté 0,91 ; IC95 % 0,82–0,997).

– Lorsque les symptômes étaient classés par gravité, l’association était retrouvée uniquement pour les formes modérées de PPD (EPDS 11–12) et non pour les formes sévères (EPDS ≥ 13). Ces résultats suggèrent que l’impact de l’anémie pourrait être prédominant sur des symptômes modérés de PPD, tandis que d’autres facteurs psychosociaux ou antécédents psychiatriques pourraient dominer dans les formes sévères.

– Après stratification sur le lieu de naissance des femmes, l’association entre anémie et symptômes de PPD n’était retrouvée que chez les femmes nées en Europe. Chez les femmes nées hors d’Europe (principalement originaires d’Afrique), l’anémie postpartum n’était pas associée aux symptômes dépressifs dont la prévalence et la sévérité étaient plus élevées que chez les femmes nées en Europe . Ces résultats pourraient refléter des différences de profil d’anémie (plus souvent chronique ou non carentielle) ou de vulnérabilité sociale.

Conclusion 

Ces résultats mettent en lumière l’intérêt potentiel du dépistage systématique de l’anémie postpartum comme levier pour améliorer la santé mentale maternelle. Si le lien observé est confirmé par des études interventionnelles, la correction précoce de l’anémie pourrait devenir une stratégie de prévention ciblée de la dépression modérée du post-partum.

Par Lola loussert, Catherine Deneux

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