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Association de la perte auditive en milieu de vie et de l’utilisation d’appareils auditifs avec l’apparition de la démence

Une nouvelle étude d’envergure vient éclairer le lien possible entre la perte auditive survenant en milieu de vie et l’apparition de la démence plus tard dans la vie. S’appuyant sur les données de deux des études de cohorte menées au Royaume-Uni — l’étude Whitehall II et le UK Biobank — les chercheurs apportent un nouvel éclairage sur la manière dont les troubles de l’audition et l’utilisation d’appareils auditifs pourraient influencer le risque de démence sur plusieurs décennies.

Contexte
La perte auditive est depuis longtemps considérée comme un facteur de risque modifiable de la démence. Cependant, la majorité des preuves existantes proviennent d’études menées auprès de populations âgées, dans lesquelles les premiers stades non diagnostiqués de la démence pourraient déjà affecter l’audition, faussant ainsi les résultats. La nouvelle recherche cherche à combler cette lacune en se concentrant sur la perte auditive survenant en milieu de vie, une période moins susceptible d’être influencée par les symptômes précoces de la démence.

À propos de l’étude
L’étude repose sur les données de santé de deux grandes cohortes britanniques : Whitehall II et UK Biobank, réunissant ensemble plus de 385 000 adultes. Les participants ont été interrogés sur leur audition et l’éventuelle utilisation d’appareils auditifs, et des tests auditifs en laboratoire issus de la UK Biobank ont été utilisés pour évaluer plus précisément leur capacité auditive. Les chercheurs ont ensuite suivi, au fil des décennies, les personnes ayant développé une démence grâce aux dossiers médicaux. En moyenne, les participants de l’étude Whitehall II ont été suivis pendant près de 25 ans, ceux de la UK Biobank pendant environ 14 ans.

Pour mieux contextualiser leurs résultats, les chercheurs ont également calculé la fraction étiologique (Population Attributable Fraction, PAF) attribuable à la perte auditive, indiquant la proportion de cas de démence qui pourraient théoriquement être évités si la perte auditive était éliminée.

Ce que révèle l’étude
Les chercheurs ont constaté que les personnes ayant signalé des difficultés auditives en milieu de vie étaient plus susceptibles de développer une démence par la suite — environ 12 % de risque supplémentaire. Celles qui utilisaient des appareils auditifs présentaient également un risque plus élevé, probablement en raison d’une perte auditive plus sévère. Lorsque l’audition a été mesurée de manière objective en laboratoire plutôt que par auto-évaluation, le lien était encore plus fort : les personnes ayant une mauvaise audition présentaient un risque accru de 31 % de développer une démence. Ces résultats soulignent l’importance de la santé auditive en milieu de vie pour le maintien des fonctions cognitives.

Fait notable, les chercheurs ont aussi estimé combien de cas de démence pourraient être liés à la perte auditive dans la population. Ils ont découvert qu’éliminer les troubles auditifs en milieu de vie pourrait potentiellement prévenir environ 3 à 5 % des cas de démence. Cela peut sembler modeste, mais cela représenterait tout de même des milliers de personnes.

Pourquoi c’est important
La démence est un problème de santé publique en pleine croissance, touchant des millions de personnes dans le monde. Comprendre ses causes — et comment la prévenir — est une priorité pour la recherche. La perte auditive fait partie des rares facteurs de risque qui pourraient être pris en charge. Cependant, cette nouvelle étude suggère que les bénéfices pourraient être plus limités qu’on ne le pensait auparavant.

« Nous avons constaté que les problèmes audititifs en milieu de vie sont liés à un risque légèrement plus élevé de démence, mais cet effet est moins important que ce que certaines études antérieures ont suggéré », expliquent les auteurs de l’étude. « Cela montre combien il est crucial d’étudier ces facteurs de risque tôt dans la vie, avant l’apparition de la démence. »

À retenir
Cette étude renforce les preuves selon lesquelles prendre soin de son audition en milieu de vie pourrait contribuer à préserver la santé cérébrale plus tard. Elle souligne également l’importance de faire contrôler régulièrement son audition et d’obtenir un soutien précoce en cas de problèmes. Toutefois, la perte auditive ne représente qu’une pièce du puzzle complexe de la prévention de la démence.

Par Marcos D. Machado-Fragua, Archana Singh-Manoux, Séverine Sabia

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