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Jonathan Bernard, lauréat du Prix Inserm « Science et société-Opecst 2024 » le mardi 10 décembre 2024

Les travaux menés avec son équipe sur les liens entre usage des écrans et développement des enfants lui valent le Prix Science et société-Opecst car ils apportent un éclairage scientifique aux débats sur la place des écrans dans la vie quotidienne. Une contribution majeure sur un sujet de préoccupation sociétale et parentale.
Alors qu’il est en master de biologie santé à l’université de Montpellier, Jonathan Bernard pense déjà sérieusement à se lancer en épidémiologie. Nous sommes en 2009. « Je voulais travailler dans la santé mais pas être médecin, j’aimais les statistiques mais pas vraiment les mathématiques. Finalement c’est une série de paradoxes qui m’ont orienté vers ce métier passionnant ! » Jonathan Bernard se lance ainsi en épidémiologie nutritionnelle à l’occasion de sa thèse, qu’il effectue à Paris. Il y étudie l’impact de l’allaitement et de la composition du lait maternel sur la cognition et le langage de l’enfant en s’appuyant sur la cohorte Eden, pilotée par son équipe, qui inclut près de 2 000 enfants suivis depuis la naissance.

Les origines précoces de la santé

Mais une collègue neuropsychologue éveille sa curiosité sur un autre sujet. Elle explore dans cette même cohorte l’effet des écrans sur le langage des plus jeunes. Intrigué, Jonathan Bernard se met à explorer la littérature et décide d’étudier cette thématique au cours de son postdoctorat à Singapour. « Déjà en 2014, les écrans y étaient omniprésents à tous les âges, avec une société hyper technophile et une utilisation qui allait bien au-delà de ce qui s’observait alors en France. Mon laboratoire de Singapour avait d’ailleurs collecté beaucoup de données sur l’utilisation des écrans », justifie-t-il. Il y étudie pendant quatre ans les liens entre utilisation des écrans et santé.

À son retour en France, il est invité à poursuivre ses recherches en s’appuyant sur la cohorte nationale Elfe, qui suit 18 000 enfants depuis la naissance. Il monte alors un projet et réunit une équipe de dix personnes au Centre de recherche en épidémiologie et statistiques pour approfondir le sujet. Les chercheurs mettent au grand jour le poids des inégalités sociales en matière d’écran, et font le lien entre le fait de regarder la télévision pendant les repas et un moins bon développement du langage des jeunes enfants.

Éclairer citoyens et décideurs

« Quand j’ai débuté mes recherches, la société française n’était pas aussi préoccupée qu’aujourd’hui par l’usage des écrans par les plus jeunes. Le contexte était davantage apaisé. Aujourd’hui, il s’est polarisé. Chaque nouvelle étude sur le sujet est largement reprise par la presse et nous sommes très sollicités par les médias. La gestion de ces retombées représente un fort investissement pour apporter de la nuance dans le débat public sur un sujet complexe sur le plan de la santé publique, avec de forts enjeux économiques et diplomatiques », constate-t-il. Désormais, Jonathan Bernard poursuit ses recherches, grâce aux mêmes cohortes dont les enfants grandissent. Ce suivi à long terme permettra d’étudier l’effet de l’usage des écrans et des réseaux sociaux sur d’autres paramètres développementaux ou de santé primordiaux à l’adolescence : la santé mentale, les fonctions exécutives, les résultats scolaires, l’addiction aux paris en ligne ou encore la sexualité.

« Nous restons très libres de nos recherches, mais constatons que les pouvoirs publics sont en attente de données pour éclairer les débats et piloter des politiques de prévention et de régulation du secteur du numérique. » L’épidémiologiste a ainsi été invité à participer à la commission Écrans mise en place par le président de la République en janvier dernier. À cette occasion, la commission a effectué un état des lieux des connaissances et remis des recommandations. « Le numérique est devenu omniprésent dans nos vies. Il est important de fournir des données scientifiques sur les risques liés à son usage, afin de préserver la santé publique. Ce prix est la preuve que nos travaux ont un impact et éclairent le débat sociétal. Mon équipe et moi le recevons avec beaucoup de joie et de fierté. »

  • L. Poncet et coll. Sociodemographic and behavioural factors of adherence to the no-screen guideline for toddlers among parents from the French nationwide Elfe birth cohort. Int J Behav Nutr Phys Act., 12 août 2022 ; doi : 10.1186/s12966-022–01342‑9
  • J. Bernard et coll. Temps d’écran de 2 à 5 ans et demi chez les enfants de la cohorte nationale Elfe. Bull Épidémiol Hebd., 12 avril 2023 ; beh/2023/6/2023_6_1
  • P. Martinot et coll. Exposure to screens and children’s language development in the EDEN mother–child cohort. Sci Rep., 8 juin 2021 ; doi : 10.1038/s41598-021–90867‑3
  • S. Yang et coll. Associations of screen use with cognitive development in early childhood : the ELFE birth cohort. J Child Psychol Psychiatry., 29 août 2023 ; doi : 10.1111/jcpp.13887
©Inserm/François Guénet

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